72 ème anniversaire de la Libération – 27.08.16
« C’est dans le souvenir que les choses prennent leur vraie place ».
Permettez-moi modestement d’ajouter à cette citation de Jean Anouilh, dramaturge français, que c’est alors, et alors seulement, que l’on prend la mesure de leur étendue.
L’étendue d’évènements auxquels on n’a pas assisté, l’étendue de circonstances qui nous dépassent individuellement, l’étendue de conditions le plus souvent terribles, toutes choses qu’il a fallu méticuleusement s’approprier afin d’en mesurer le cadre pour pouvoir en parler avec révérence sans jamais, pour chacun d’entre nous, les avoir connues.
Parce qu’il y eut d’abord, bien sûr, le souvenir immédiat et solitaire, submergeant tout dans sa fébrilité, dans son émotion, le plus souvent dans sa violence.
Vint ensuite, plus tard, le moment de la mémoire collective qui s’empara du passé afin de le pérenniser lorsqu’ arriva l’instant où, cessant d’être unique, elle passa de l’individu au plus grand nombre ; car c’est le propre de l’identité commune que de se souvenir ensemble, c’est en cela que se forgent l’unité et la permanence.
Mais tant de mots ont été dits depuis, tant de discours répétés, tant d’hommages rendus, que l’on ne peut, quelle que soit la sincérité du propos, que les reprendre.
C’est pour cela qu’aujourd’hui je ne voudrais simplement honorer que des hommes.
Chaque homme.
Chaque soldat.
Infime partie d’un ensemble guerrier et matériel démesuré, mais immensément humains dans leur précarité et leur incertitude, dans leur courage et dans leur peur, et, pour beaucoup, dans leur solitude face à la mort.
Alors, au-delà de la juste glorification de l’héroïsme et de la vaillance, rendons ici un hommage simple, sincère et surtout reconnaissant à ceux-ci et à tous les autres qui ont laissé épouses, enfants, familles, travail, pour venir, depuis l’autre côté de l’océan, nous libérer jusqu’ à en mourir, dans un acte immense et gratuit.
Immense, parce que la vie qu’ils ont perdue était, pour chacun d’entre eux, la mesure de tout.
Gratuit, parce qu’ils n’ont rien demandé en échange de ce geste.
Ils l’ont simplement accompli.
C’est pourquoi, Monsieur le Représentant du Gouvernement Canadien, je veux témoigner ici de cette fierté, pour l’élu que je suis, pour les élus éphémères que nous sommes tous au regard de l’histoire, de pouvoir, le temps d’un mandat, le temps d’une commémoration, le temps d’un discours, joindre ma voix à celle de tous ici et au nom de beaucoup d’autres ailleurs, afin que vos compatriotes restent persuadés de l’inaltérable gratitude qui demeure en nous à l’égard du peuple canadien.
Remerciez-le encore une fois pour nous.
Parce que le temps fait son œuvre et que nous sommes dans le temps.
Parce que depuis ce jour d’août 1944 où ces jeunes hommes donnèrent leur vie dans notre commune et des milliers d’autres sur notre sol
Parce qu’en dépit de tant et tant de conflits, de combats et maintenant d’attentats, notre attention au passé doit rester intacte et ne doit pas être confisquée par le présent
Parce que, quoi qu’il advienne, le don qu’ils nous firent il y a soixante-douze ans ne s’effacera jamais
Pour toutes ces raisons et pour tant d’autres, nous tous aujourd’ hui et beaucoup d’autres demain, resterons fidèles à l’hommage rendu chaque année au sacrifice de nos frères canadiens.
La mémoire collective, qu’elle soit canadienne ou française, est notre identité.
Notre honneur aujourd’ hui est de la préserver pour demain.
Le maire.
Jean Aubourg